Discours prononcé le 21 juillet 2019 pour la Journée nationale à la mémoire des victimes des crimes racistes et antisémites de l’Etat français et d’hommage aux « Justes » de France
Monsieur le président du CRIF, Monsieur le Rabbin, Chers collègues Pierre Lothaire et Erick Aouizérate, Mesdames, Messieurs,
Aujourd’hui, la France et Bordeaux se souviennent de l’un des drames les plus terribles de notre histoire: le 16 juillet 1942 commença en effet à Paris l’une des plus effroyables persécutions que notre pays ait connu.
13 152 juifs, parmi lesquels 4000 enfants, furent traqués, arrêtés et internés au Vélodrome d’Hiver, avant d’être acheminés vers d’autres camps d’internement et d’être, finalement, déportés à Auschwitz.
Nous avons tous en mémoire les images terribles de ces alignements d’autobus de la RATP, réquisitionnés pour conduire ces personnes au Vélodrome d’Hiver. Elles y furent entassées dans des conditions atroces, avant d’être déportés à Auschwitz. « La France, ce jour-là, accomplissait l’irréparable »,comme l’a affirmé le Président Chirac le 16 juillet 1995.
Juifs de France ou juifs venus récemment d’Europe de l’Est chercher ici, dans la patrie des droits de l’Homme, l’asile et le secours : ils n’avaient commis d’autres crimes que d’être nés juifs.
Nous devons nous souvenir de toutes les victimes du nazisme en France et en Europe. L’idéologie nazie visait principalement les juifs qu’elle vouait à l’anéantissement des êtres et à l’effacement des mémoires. Elle étendait sa haine aux Tsiganes, mais aussi aux personnes handicapées, aux individus homosexuels, aux Slaves et aux Noirs, déniant à toutes et tous le droit de vivre.
Nous devons aussi nous souvenir, en ce jour , de ces femmes et de ces hommes qui ont écouté leur conscience et qui furent des remparts face au déferlement de la haine et de la barbarie. Chacun d’entre eux est un exemple de courage et d’humanité.Simone Veil, leur a rendu hommage le 18 janvier 2007 au Panthéon, où elle prononça ces mots :
« Face au nazisme qui a cherché à rayer le peuple juif de l’histoire des hommes et à effacer toute trace des crimes perpétrés, face à ceux qui, aujourd’hui encore, nient les faits, la France s’honore, aujourd’hui, de graver de manière indélébile dans la pierre de son histoire nationale, cette page de lumière dans la nuit de la Shoah. Les Justes de France pensaient avoir simplement traversé l’Histoire. En réalité, ils l’ont écrite. De toutes les voix de la guerre, leurs voix étaient celles que l’on entendait le moins, à peine un murmure, qu’il fallait souvent solliciter. Il était temps que nous leur exprimions notre reconnaissance. »
Nous savons avec les travaux de Serge Klarsfeld, qu’une multitude de protestations de la conscience, de « Non », et de mains anonymes tendues ont permis de sauver des milliers de personnes.
Tous entendaient refuser l’ignominie, tous entendaient déchirer l’ignoble toile de complicité dans laquelle Vichy cherchait à insérer l’ensemble du peuple français. Tous réagirent en conscience.
Tout comme Elie Wiesel, les Justes portent trois messages universels :
- celui de la reconnaissance de l’autre, de la valeur de toute altérité d’abord ;
- celui de la solidarité ensuite, comme vertu fondamentale pour faire tenir la société debout et la rendre plus humaine ;
- enfin celui de la Résistance : ne jamais céder aux porteurs de haine.
Les Justes ont sauvé l’esprit de l’Europe et de la France. Leur histoire doit être racontée, rappelée car elle est la preuve que l’humanité survit malgré la peur et l’oppression.
Vouloir se souvenir est une démarche exigeante. Gardons en mémoire ces mots d’Albert Camus : « seule l’obstination du témoignage peut répondre à l’obstination du crime ».
Alors que la France est traversée par une hausse, sans précédent depuis des dizaines d’années
, des actes antisémites, il nous faut redoubler de vigilance et d’efforts pour que cette période funeste de note histoire ne se reproduise pas.
La main de l’Etat ne doit pas trembler face à cette haine qui ressurgit. Partout où notre socle républicain est menacé, nous devons inlassablement porter, avec fermeté, nos valeurs de Liberté, d’Egalité et de Fraternité.
Vous pouvez compter sur la Mairie de Bordeaux dans ce combat.