10 propositions pour la mémoire de l’esclavage à Bordeaux

 

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Note de synthèse rédigée par Yoan Lopez, rapporteur de la commission

Une nouvelle commission de réflexion sur mémoire a vu le jour au mois de juin 2016 sous l’impulsion de l’adjoint au maire Marik Fetouh appuyé dans son action par le maire de la Ville, Alain Juppé, désireux de poursuivre la dynamique enclenchée sur le terrain mémoriel à Bordeaux. Le souhait premier de cette deuxième commission était de penser la manière de mieux saisir la traite et l’esclavage et leur mémoire au sein de l’espace public bordelais. Un rapport approfondi et présentant le travail accompli par la commission depuis deux ans a été remis à Alain Juppé le 3 mai 2018.

Outre M. Fetouh, cette commission est composée de :

  • Carole Lemée, docteure en anthropologie, enseignante et chercheure à l’Université de Bordeaux ;
  • René Otayek, directeur de recherche au CNRS et à Sciences Po Bordeaux, (LAM), président de l’Institut des Afriques ;
  • François Hubert, anthropologue, ancien directeur du Musée d’Aquitaine ;
  • Myriam Cottias, directrice de recherche au CNRS (CIRESC, LC2S) ;
  • Yoann Lopez, docteur en sociologie, chargé de mission mémoire, diversité culturelle et citoyenneté, rapporteur de la commission.

Le travail de la commission a duré près de 2 ans. Toutes celles et tous ceux qui souhaitaient être reçu-e-s l’ont été. Tous les avis ont été entendus, sans parti pris. La note remise présente la méthode utilisée ainsi que les préconisations retenues par les membres de la commission. Les propositions formulées constituent un point d’équilibre face à deux écueils potentiels que sont d’une part l’amnésie et d’autre part l’obsidionalité de certaines formes de repentance. Loin de toute forme de stigmatisation et de culpabilisation, la commission s’est efforcée de proposer un travail de mémoire juste, ou plutôt de « juste mémoire » pour citer Paul Ricœur.

L’étude a consisté tout d’abord en la mise en ligne d’un questionnaire sur le site de la Ville de Bordeaux. Ce sont au total 1084 réponses qui ont pu être exploitées et dont les résultats sont présentés en suivant. En parallèle de l’enquête quantitative, des auditions ont été menées par les membres de la « Commission mémoire ». Cinq séries d’auditions ont été réalisées entre novembre 2016 et mars 2018. Au total, 42 personnes ont pu être entendues.

Proposition n° 1 : Renforcer le partenariat avec le Rectorat et les acteurs associatifs

Il s’agira de donner la priorité à l’éducation. La communication auprès des jeunes est donc prioritaire, au travers du travail réalisé autour de l’esclavage et de la traite négrière. Par ailleurs, le travail avec les associations bordelaises se doit également d’être renforcé.

Proposition n° 2 : Création d’un Prix de la Ville

Ce prix viendra récompenser une thèse de doctorat ou une publication scientifique portant sur l’esclavage et/ou la traite. Un partenariat sera à renforcer avec les Universités de Bordeaux et les différents laboratoires de recherche.

Proposition n° 3 : Renforcer les partenariats du musée d’Aquitaine et initier un partenariat entre Bordeaux et Port-au-Prince (Haïti)

Il s’agira tout d’abord d’une collaboration renforcée entre le musée d’Aquitaine et des musées et sites patrimoniaux liés à la traite négrière et à l’esclavage (Caraïbe, Amériques, Afrique, villes portuaires de la façade atlantique). Ensuite, de créer un partenariat avec Haïti et la ville de Port-au-Prince.

Proposition n° 4 : Création d’un jardin pédagogique Cette création se fera à l’intérieur du jardin botanique. Cette proposition repose sur la plantation de végétaux directement en lien avec l’esclavage tels que le coton, le café, l’indigo ou encore la canne à sucre. Ce carré végétal sera accompagné d’un panneau explicatif.

Proposition n° 5 : Donner les noms d’Edouard Glissant et de René Maran à des équipements culturels de la ville 

Il s’agira de baptiser une autre institution culturelle d’envergure du nom du poète, romancier et essayiste martiniquais Edouard Glissant, défenseur de la créolité, ardent adversaire de l’oubli et défenseur des mémoires des esclavages. Il s’agira dans un second temps de baptiser un équipement culturel de quartier du nom de René Maran, écrivain martiniquais, prix Goncourt 1921 ayant vécu à Bordeaux entre 1894 et 1910.

Proposition n° 6 : Améliorer la pédagogie via les rues portant le nom de négriers et d’esclavagistes 

Il s’agira de poser des QR codes renvoyant à un site internet pédagogique présentant chaque noms de rue retenus (les plaques des 6 rues identifiées seront complétées) et dédié à la traite et l’esclavage à Bordeaux à l’entrée des rues et bâtiments reliés à la traite négrière. Parmi les informations ajoutées, il s’agira des nom, prénom, date de naissance et de décès, les raisons de l’attribution de son nom à une rue, le nombre d’expéditions financées, les noms des bateaux partis.

Proposition n° 7 : Donner des noms d’abolitionnistes et d’esclaves ayant vécu à Bordeaux à des rues de la ville 

Un travail approfondi sera réalisé avec un historien afin de donner des noms d’abolitionnistes (ex : André-Daniel Laffon de Ladebat) et d’esclaves à des rues de la ville.

Proposition n° 8 : Construire une œuvre mémorielle à l’effigie de Modeste Testas

Marthe Adélaïde Modeste Testas
née Al Pouessi
(Afrique orientale 1765 – St Domingue 1870) a été une esclave africaine et fut achetée par deux frères bordelais Pierre et François Testas qui avaient un négoce dans cette ville. Elle a été déportée à St Domingue en 1781. Cette proposition est apparue importante à la commission pour plusieurs raisons : premièrement parce que Modeste Testas était une femme, deuxièmement parce qu’elle a été déportée à Saint-Domingue (les actuelles Haïti et République Dominicaine), ce fait venant faire le lien avec la proposition 3 visant à créer un partenariat avec Port-au-Prince (Haïti), troisièmement parce que l’idée est ici de pouvoir identifier une personne physique faisant le lien entre Bordeaux, l’esclavage et Haïti, de pouvoir avoir affaire à quelqu’un d’identifié, d’identifiable et ainsi remettre de l’humain, et évoquer à travers elle la complexité des différents parcours.

Modeste
Loraine Steed, descendante de Modeste Testas, sous le portrait d’Antoinette fille de celle-ci 

Proposition n° 9 : Valoriser et aménager le square Toussaint Louverture 

Il s’agira notamment de procéder à une mise en lumière du buste et d’apposer une plaque présentant une biographie de Toussaint Louverture ainsi que les noms de tous les bateaux négriers partis de Bordeaux

Proposition n° 10 : Mettre en place une campagne de communication dans les transports en communs 

Cette campagne se déclinera lors de la Semaine de la Mémoire dans les bus, tram, batcub, station de tram et arrêts de bus. Les d’affichettes présenteront des citations d’auteurs dont la réflexion a porté ou porte sur la traite et l’esclavage.

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