Minneapolis est une ville du nord, cosmopolite et impressionnante. Un tiers de la population est issue d’une immigration récente, sans compter les afro-américains. Des gratte-ciels, et partout, des passerelles fermées, les skyways, qui relient les immeubles entre eux pour éviter le froid en hiver. Pour cette 4ème étape dans le cadre du programme des visiteurs internationaux, nous avons plongé dans une société qui a placé la diversité au cœur de son fonctionnement.
Lors de cette étape, nous avons rencontré la direction de la mairie en charge des relations avec les communautés. 17 agents qui ont pour missions de faire le lien avec les différents groupes de la ville et d’être leur porte-parole auprès de la municipalité. Très vite dans la conversation, nous comprenons que chaque agent a la responsabilité d’une communauté : somaliens (très nombreux), latinos, asiatiques, autochtones, afro-américains… mais aussi LGBT et séniors. Pour ce qui concerne les non-américains, les agents ont tous la particularité de parler la langue de la communauté, dont ils sont eux-mêmes issus. Le modèle multiculturel américain est ainsi fait qu’il n’y a pas de langue officielle aux Etats-Unis et que les acteurs publics ont l’obligation de fournir une traduction pour les services publiques (mairie, police, hôpitaux, documents administratifs…). Rien à voir avec le modèle français, où l’immigration vient surtout des pays anciennement colonisés, et donc francophones. Les débats sur le multiculturalisme en France prend pour base une comparaison avec le continent nord-américain qui n’a pas lieu d’être : la langue française est le vecteur d’une culture qui est globalement partagée, même si chacun garde son identité.
Minneapolis est une ville sanctuaire : elle a pris un « arrêté de séparation » pour ne pas appliquer les lois fédérales visant à arrêter les migrants en situation irrégulière et à les renvoyer dans leur pays d’origine. Barack Obama avait respecté ces arrêtés. Donald Trump a promis de supprimer les aides de l’Etat fédéral à ces villes sanctuaires et d’attaquer les arrêtés devant les tribunaux. Mais Minneapolis persiste et signe : elle veut continuer à être bienveillante et accueillante pour les sans-papiers, qui peuvent y étudier à l’université et y passer leur permis de conduire.
Une illustration de ce « multiculturalisme heureux » est l’élection, en même temps que Donald Trump, d’Ilham Omar, députée de l’Etat du Minnesota. Ancienne réfugiée d’origine somalienne et musulmane, elle a décidé de porter le voile après le 11 septembre pour défendre une plus grande tolérance à l’égard de l’islam, qui est depuis mis en cause. Féministe, elle est pour la liberté des femmes de choisir elles-mêmes si elles veulent porter ou non le voile. Une jeune femme humble, souriante et bienveillante : que cela fait du bien de rencontrer des responsables politiques humains et humanistes ! Son action porte sur les discriminations croisées, ainsi que sur l’accès à l’éducation et le soutien à la parentalité.
Une autre illustration de cette diversité positive est la rencontre avec la fondatrice d’Asiya, une entreprise qui fabrique des hijabs pour le sport. Je dois dire qu’après tous les débats en France sur le burkini, j’étais assez mal à l’aise à l’idée de cette rencontre. Mais la jeune responsable a commencé sa présentation en expliquant que l’université avait fait une étude sur les freins dans l’accès des filles au sport, qui avait montré que le principal problème était qu’elle ne pouvait pas pratiquer en étant voilée. Du coup, elle a eu l’idée de développer des hijabs dans des matières légères, ajustées et facilement lavables. Le succès a été immédiat et a permis à de nombreuses filles de retourner faire du sport. Plutôt que de débattre sur la moralité supposée de tel ou tel vêtement, nous devrions faire comme les américains et nous poser les bonnes questions, dans une perspective de réduction des inégalités.
A Minneapolis, même la police s’est mise à la diversité. Le Shérif du comté a mis en place une équipe de 8 personnes, qui gère les relations avec les communautés dans un but de prévention de la délinquance, d’éducation et de lutte contre le terrorisme. Ils organisent notamment des matchs de foot avec les jeunes des communautés, parties de pêche dans les nombreux lacs de la ville. Ca me rappelle quelque chose qui a été supprimé en France et qui pourtant avait de très bons résultats… Un effort particulier est porté sur la formation des agents ainsi que sur la diversité, afin d’arriver à 25% du personnel issus des communautés. Un bémol tout de même : malgré tous ces efforts, le Shérif ne respecte pas l’arrêté de séparation pris par la ville et engage des procédures d’expulsion des clandestins.

La prévention de la radicalisation n’est pas oubliée dans cette ville qui a vu le départ de nombreux jeunes vers la Syrie. Nous avons eu la chance de rencontrer le fondateur du site averagemohamed.com qui diffuse des dessins animés réalisés avec des enfants et des adolescents sur l’islam, le terrorisme et les droits humains. Simples et efficaces pour les jeunes, avec au total plus de 2 millions de vues sur les réseaux sociaux.
Avec l’élection de Donald Trump, Minneapolis est rentrée en résistance. Nous avons appris que le secrétaire au budget prévoyait de supprimer le programme des visiteurs internationaux auquel nous participons, et que projet de budget fédéral amputait la diplomatie de 40%. Une habitante nous expliquait que sa boite mail était saturée de demandes de soutien à des actions pour dénoncer ces coupes budgétaires. Mais elle nous avouait en même temps qu’il y avait tellement de domaines qui étaient touchés, qu’elle ne savait pas par où commencer… Ainsi va le populisme, avec ses méthodes radicales qui nuisent à l’intérêt du pays lui-même, la diplomatie américaine étant un des principaux moyens d’influence des Etats-Unis dans le monde. Espérons que nous n’aurons jamais un Donald Trump comme président en France…