Chaque ville américaine est différente. Il n’y a pas grand chose de commun entre Washington, où fourmille des milliers de gens qui vont à des réunions qui commencent en avance, et Montgomery en Alabama, où le centre ville semble abandonné, et où il pèse un climat social lourd hérité de l’esclavage et de la ségrégation. San Francisco n’a rien à voir avec tout cela : c’est une ville authentique, chargée d’une histoire positive qui a fait d’elle la capitale mondiale du vivre ensemble. Plusieurs siècles après sa fondation par les Espagnols, l’esprit de tolérance de Saint-François d’Assise y est plus que jamais présent.

Du Castro, le quartier LGBT historique dont Harvey Milk a été représentant au Conseil municipal, à Chinatown, en passant par le quartier latino-américain de Mission, San Francisco a fait de sa diversité une force. Les communautés, loin d’être refermées sur elles-mêmes, sont ouvertes sur les autres et constituent des facteurs d’intégration. Cette ouverture est un facteur indéniable d’attractivité et de développement économique pour la ville. Ce succès a un effet pervers : une « gentrification » de la ville et les populations les plus précaires qui sont repoussées en dehors de la ville, compte tenu de l’augmentation des loyers. Malgré la politique de la municipalité pour freiner cette progression, il faut compter entre 2 500 et 3 000 dollars par mois pour un simple studio ! Mais la douceur de vivre n’a pas de prix… Même la police est différente dans son rapport aux minorités : elle sait qu’en cas de bavure, la population ne lui pardonnerait pas et ne manquerait pas de manifester son mécontentement.
Lors de cette étape, nous avons rencontré de nombreux acteurs engagés dans le vivre-ensemble. C’est à San Francisco que United Religions Initiative a son siège. Cette ONG, entièrement financée par des fonds privés, a pour but de favoriser le dialogue inter-culturel et inter-religieux dans le monde. Elle est présente dans 99 pays au travers de 800 groupes locaux, dont l’association Coexister qui est leur relais français. URI promeut des projets en matière de santé, d’environnement ou encore d’empowerment des femmes. En Argentine par exemple, elle agit pour favoriser l’intégration des autochtones. Leur action permet de réduire les conflits et les tensions intercommunautaires. Le directeur de l’ONG, Victor Kazanjian, est un pasteur protestant. De nombreux acteurs du culte sont en effet engagés dans le vivre ensemble aux Etats-Unis, comme nous l’avons vu dans les autres villes.
Pendant ces 3 jours, nous avons également rencontré des chercheurs de l’Université de Berkeley et avons fait un saut à San José (prononcer « sanosé » ), un peu plus au sud, pour rencontrer une ONG qui lutte contre l’islamophobie. Présente dans une vingtaine d’Etats, l’Islamic Network Group se rend dans les écoles et organise des réunions publiques pour lutter contre les préjugés. La coordonnatrice qui nous a reçus, Kate Chance, n’est pas musulmane, mais protestante. Là encore, cela montre le soutien des différentes communautés entre elles. Celle-ci constate une montée importante de l’islamophobie et de l’antisémitisme depuis l’élection de Donald Trump, qui a retwetté et donc légitimé des messages de groupes suprématistes blancs.

Enfin, nous avons bien entendu visité le centre LGBT de San Francisco, qui est certainement le plus important centre de ce type au monde. Le budget de 2 millions et demi de dollars est financé à 50% par des fonds privés. Les plusieurs centaines de bénévoles mènent des actions de premier plan, comme l’accueil des jeunes rejetés par leurs familles et littéralement mis à la porte, et qui se rendent à San Francisco pour y trouver une société plus accueillante.
Quand les espagnols ont fondé San Francisco en 1776, ils ne se doutaient pas que lui donner le nom de Saint-François d’Assise insufflerait à cette ville son esprit d’ouverture et de tolérance. En effet, François se rendit en 1219 auprès du Sultan de Babylone pour tenter mettre fin à la guerre entre Chrétiens et Sarrazins, malgré les risques que cela comportait pour lui. La légende raconte que le Sultan fut profondément marqué par la foi, le sourire et la douceur de François et qu’il décida, quelques années plus tard, de rendre Jérusalem aux Chrétiens, alors que rien ne l’y obligeait. C’est la raison pour laquelle Saint-François est considéré comme le précurseur du dialogue inter-religieux. L’Ordre des Franciscains perpétue son message d’ouverture aux autres cultures et aux autres religions. Plus que jamais, l’esprit de Saint-François souffle sur San Francisco.