
Intervention du 14 novembre 2016 à la mairie de Londres
Mesdames et Messieurs,
Je tenais tout d’abord à remercier Sadiq Kahn de me donner la parole ici aujourd’hui, à la Mairie de Londres, lors de cette journée consacrée à l’intégration sociale. Le thème de notre table ronde, la lutte contre l’exclusion économique, notamment des populations issues de l’immigration, est particulièrement important.
La France est confrontée à d’importants problèmes d’intégration socio-économiques, particulièrement en ce qui concerne les jeunes issus de l’immigration. Bordeaux n’échappe pas au phénomène. Pour les sociologues, l’intégration culturelle ne garantie plus aujourd’hui l’intégration économique : aller à l’école et avoir un diplôme ne permet plus d’avoir un travail pour une partie de la jeunesse. C’est en partie dû aux discriminations ethno-raciales dans l’accès à l’emploi : une étude a récemment montré que l’on avait 7 fois moins de chance d’obtenir un entretien d’embauche quand on a un prénom à consonance musulmane que quand on a un prénom à consonance chrétienne. De plus, il y a des tensions très fortes autour de l’islam, suites aux attentats, avec des confusions entre islam traditionnel, fondamentalisme et djihadisme. Dans ce contexte, la « Laïcité » française, que l’on peut traduire par « sécularisme », est parfois interprétée comme un rejet des religions et en particulier de l’Islam. Tout cela abouti à une fracture de la société française, avec certains quartiers qui concentrent toutes les difficultés économiques et sociales, qualifiés même de « ghettos » par le Premier Ministre.
Face à ce constat, la stratégie de la Ville de Bordeaux a développé une stratégie à 3 niveaux. Le premier, c’est l’exemplarité de la collectivité dans son management et dans son recrutement. C’est pourquoi nous avons engagé un processus de labellisation par l’Agence Française des Normes (AFNOR) qui permettra de garantir les procédures de non-discrimination à toutes les étapes. D’autres mesures ont été prises comme le recrutement des emplois saisonniers et des contrats d’apprentissage (alternance) via des associations qui viennent en aide à des jeunes en difficulté sur le plan social, ce qui leur permet une première entrée dans la vie active. Nous sommes également l’une des premières collectivités à développer le parrainage avec des jeunes diplômés issus de quartiers prioritaires, qui manquent souvent cruellement de réseaux, et qui seront accompagnés vers la vie active par des agents de la ville.
Le 2ème niveau, c’est une politique d’insertion ciblée sur les populations exclues. Elle repose par une mise en relation de l’offre d’emploi et de la demande en organisant des « forums emploi » dans les quartiers prioritaires : les entreprises viennent recruter directement dans ces quartiers. Nous avons également mis en œuvre des clauses d’insertion dans les marchés publics, ce qui signifie l’obligation pour les entreprises qui obtiennent des marchés d’urbanisme d’embaucher des personnes du quartier, sur critères sociaux, dans ces chantiers. Plus de 200 000 heures d’insertion ont été créées depuis que cette mesure a été prise. Il y a également le dispositif « TAPAJ », qui permet un travail à la journée pour population très précaire.
Le 3ème niveau, c’est celui du dialogue. Dialogue entre les croyants et les non-croyants, entre les élus et les citoyen-nes, quelles que soient leurs convictions. Pour que les jeunes se sentent français, il faut que l’Etat leur renvoie un discours qui les inclue, qui les reconnaisse. Nous développons à Bordeaux une pédagogie de la « Laïcité » qui revient au fondement de la loi française de séparation des Eglises et de l’Etat de 1905, qui a pour objectif la liberté de consciences, la liberté de croire ou de ne pas croire et quand on est croyant, la liberté d’exprimer ses convictions religieuses, dans les limites de la loi. Contrairement à ce que certains responsables politiques disent, la Laïcité n’est pas tournée contre les religions, ou contre une religion : elle est au contraire garante de la pluralité des croyances.
Nous instituons systématiquement sur cette notion dans nos prises de parole publique autour des questions religieuses, et organisons des tables rondes avec des experts ou des représentants des cultes. Ainsi, chacun, quelle que soit ses convictions, peut se sentir inclut dans la République.
Le dialogue est aussi primordial avec les communautés religieuses. Nous avons une instance, Bordeaux Partage, qui regroupe les 6 principaux représentants religieux, et qui organise une conférence inter-religieuse et citoyenne annuelle, ainsi que les marches silencieuses après les attentats. Des réunions publiques sont régulièrement organisées avec ses membres, sur des questions sociales ou de société. Ce dialogue a un effet positif sur la cohésion sociale de part le symbole qu’il revêt, mais également en permettant de mieux se connaître et de lutter contre la peur de l’autre et le rejet. Enfin, nous travaillons à l’organisation de la première journée de la Laïcité et du vivre-ensemble, le 11 décembre, lors de laquelle les lieux de culte seront ouverts au grand public, dans le but de favoriser l’échange et le dialogue avec les acteurs des cultes. C’est une première en France, après Berlin, Berne et Barcelone qui ont organisé des manifestations du même type.
Je vous remercie