Laïcité: le grand malentendu

En 2011, lors d’une cérémonie à la Mairie de Paris, le Comité Laïcité République avait remis à la directrice de la crèche privée Baby-Loup le prix national de la Laïcité, pour avoir licencié une employée au motif qu’elle portait le voile. Quelques mois plus tard, la Cour de Cassation considérait ce licenciement comme discriminatoire. Cet exemple illustre parfaitement les conclusions du spécialiste français de la laïcité Jean Baubérot, pour qui celle-ci peut servir d’habillage républicain à des discriminations, a contrario de sa définition première. Eclairage sur un principe qui mérite toutes notre attention en ces temps troublés.

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La Laïcité, c’est la liberté de croire et de ne pas croire, et donc la liberté de religion, qui inclue la liberté d’exprimer ses convictions. L’article 1 de la loi de 1905 est très clair «  La République assure la liberté de conscience. Elle garantit le libre xercice des cultes ». Et ce bien entendu, dans les limites de l’ordre public (salubrité, tranquillité, sécurité), les libertés fondamentales n’étant jamais absolues. Cet article reprend l’article 10 de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen de 1789 qui a une valeur constitutionnelle : « Nul ne peut être inquiété pour ses opinions, même religieuses, pourvu que leur manifestation ne trouble pas l’ordre public établi par la loi ».

La Laïcité, c’est la neutralité de l’Etat qui passe par la Séparation. Pour garantir la liberté de croyance, l’Etat doit être neutre d’un point de vue confessionnel. D’où le principe de Séparation qui est contenu dans l’article 2 de la loi de 1905 : « La République ne reconnaît, ne salarie ni ne subventionne aucun culte ». Cette neutralité concerne exclusivement les agents publics, ainsi que les élèves dans les établissements scolaires depuis 2004, et en aucune manière les agents de droit privé ou les personnes se promenant dans la rue par exemple : c’est alors la liberté de religion qui prime, avec toujours pour limite l’ordre public.

Une nouvelle laïcité qui cible les religions en général, et l’Islam en particulier. Diverses tentatives et projets de lois voient le jour pour essayer de restreindre la liberté d’expression des convictions religieuses, visant le plus souvent les femmes qui portent le voile : interdiction du voile pour les étudiantes à l’Université et des salariées des crèches privées, ou encore circulaires pour conseiller aux mamans de se dévoiler lorsqu’elles accompagnent des sorties scolaires. On ne voit pas tellement quel est le motif d’ordre public qui pourrait justifier de telles mesures. Et surtout, les tenants de cette « laïcité falsifiée », comme la nomme Baubérot, en se focalisant sur l’Islam, en oublient qu’eux même transgressent parfois allègrement le principe de laïcité, par exemple lorsqu’ils refusent de célébrer des mariages de personnes du même sexe au nom de leurs convictions religieuses.

Pourquoi un tel glissement de la neutralité de l’Etat à celle des individus ? Et comment apaiser les tensions sur le terrain ? Focaliser une attention si grande sur les signes de religiosité, à un moment où la France traverse une grave crise économique, qui nécessiterait la mobilisation de toutes et de tous en faveur de l’emploi et du vivre ensemble est surprenant. Mais notre pays traverse également une crise identitaire, du fait de la mondialisation, et du chômage. La tentation de trouver un bouc émissaire est grande. Mais une vision excluante de la laïcité ne risque-t-elle pas de majorer les tensions qu’elle prétend combattre ? Notre pacte social et notre cohésion nationale ne reposent-ils pas sur une laïcité ouverte, respectueuse des différences et accueillante à la diversité, comme elle est définie par la Constitution et la loi de 1905 ?

Pour débattre de ces questions, rendez-vous jeudi 5 novembre 19h à l’Athénée municipal en présence de Jean-Louis Bianco, Président de l’Observatoire de la laïcité, et de nombreux acteurs associatifs pour une table ronde sur le thème « La laïcité au service de l’égalité » (programme en cliquant ici), et le vendredi 6 novembre 17h30 pour une rencontre sur le thème « Comment faire vivre la laïcité au quotidien » au Marché des Douves avec entre autres Clothilde Chapuis, Présidente de la Licra (programme ici).

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