Discours prononcé le 24 avril 2017 à Bordeaux lors de la cérémonie officielle de commémoration du génocide arménien
Il y a 102 ans, jour pour jour, le 24 avril 1915, 650 arméniens journalistes, enseignants, avocats, médecins étaient arrêtés à Istanbul, puis déportés et pour la plupart assassinés.
Ces premières exactions, ces premiers crimes ne furent malheureusement qu’un commencement.
Une entreprise délibérée et planifiée de destruction s’est alors mise en marche.
Les élites arméniennes ont été anéanties sous de faux prétextes de trahison, de tentative de soulèvement.
On s’en est pris à la population arménienne à travers toute l’Anatolie.
Les hommes ont été fusillés, les femmes et les enfants déportés vers Deir ez-Zor à travers le désert au cours de véritables marches de la mort.
Tous ont connu la faim, la soif, les mauvais traitements, tous ont connu l’humiliation, celle d’un peuple chassé de sa terre.
En quelques mois, ce sont des centaines de milliers d’Arméniens qui ont été bannis de l’empire Ottoman.
Et ce chiffre terrible, que personne ne doit jamais oublier parce qu’il a souillé la conscience humaine : 1,5 million de morts.
Il y a un siècle, les Arméniens ont été décimés, victimes d’un crime de masse.
Ce crime, c’était un génocide. C’est ce que la France a reconnu par la loi en 2001, sous la présidence de Jacques CHIRAC.
Déjà, il y a plus d’un siècle – c’est une terrible résonance de l’histoire -CLEMENCEAU écrivait : « on commence à parler de nouveaux troubles dans les vilayets d’Arménie. On sait ce que signifie ce mot. C’est l’euphémisme officiel pour désigner le massacre méthodique des Arméniens ».
La loi de 2001, tient en un seul article dont la simplicité fait la force : la France reconnaît publiquement le génocide arménien de 1915.
Ce texte a rassemblé très largement, au-delà des clivages, et c’est l’honneur de la France d’avoir su parler d’une seule voix.
Si elle l’a fait, c’est peut-être parce que notre pays sait d’expérience qu’avoir le courage de mettre des mots sur les événements est le seul moyen pour que le travail de mémoire se fasse.
En 1915, de nombreux Arméniens ont été accueillis par la France, et ils sont devenus français.
Et donc leur douleur et leur souffrance, sont devenues les nôtres.
Puis, ils se sont battus pour la France, ils ont aidé à la reconstruire.
Vous continuez aujourd’hui d’œuvrer pour son rayonnement sans rien oublier de votre histoire et de vos origines.
Car c’est cela la République : mettre en commun, partager des valeurs sans jamais renoncer à ce que l’on est.
On compte donc 500 000 Français d’origine arménienne. Nous devons sans cesse resserrer les liens qui existent entre la France et l’Arménie, les liens politiques, diplomatiques, culturels.
Nos deux pays entretiennent une affinité intellectuelle et même affective.
Ce travail doit se poursuivre, il est l’honneur de nos pays. Notre responsabilité aujourd’hui, c’est d’être particulièrement vigilant quant au sort des Arméniens de Syrie.
Une nouvelle fois, des Arméniens sont persécutés parce qu’ils sont arméniens, et fermer les yeux serait coupable.
La commémoration qui nous rassemble aujourd’hui doit nous permettre de tracer un chemin pour l’avenir, non pas pour que la blessure se referme, mais pour qu’un peuple puisse faire son deuil. La mémoire doit rassembler, permettre de surmonter les clivages et les préjugés et non diviser.