
Une première journée du programme « Diversité in the US today » tout en douceur, qui a commencé par une présentation du planning des 3 semaines. Un seul changement par rapport à ce qui nous avait té annoncé : nous n’irons pas à Kansas City… mais à San Francisco. Trop déçu 😉 La journée s’est poursuivie par une présentation brillante du système fédéral et de la citoyenneté américaine par Akram Elias, un consultant en affaires internationales qui travaille notamment pour le Département d’Etat. Le compte rendu peut paraître un peu long, mais il permet de saisir les principes de fonctionnement de la société américaine, très différent du nôtre, qui s’est construit en opposition à l’«ancien monde». Nous avons ensuite terminé la journée au Capitole avec le «Black Caucus».
Il existe 3 millions d’associations et ONG aux Etats-Unis, qui jouent un rôle fondamental, notamment pour impulser les politiques publiques. Le système américain est en effet l’opposé du nôtre : plutôt que d’avoir un état national qui décide de tout, ce sont les citoyens, réunis en associations, elles-mêmes regroupées en coalitions, qui obligent les gouvernements locaux et le gouvernement fédéral à légiférer. Cela tient au contexte historique de création des Etats-Unis : à l’époque, ceux qui traversaient l’Atlantique pour venir dans le «nouveau monde», au risque de mourir pendant la traversée, fuyaient des systèmes politiques et sociaux qu’ils rejetaient. La liberté était au cœur de leur démarche, et c’est pourquoi les libertés économiques et de religion sont depuis considérées comme des droits fondamentaux (ou «droits naturels»). Il n’y pas de distinction entre les religions traditionnelles et ce que nous appelons « sectes »: toutes les croyances sont respectées, qu’elles soient anciennes ou d’apparition plus récente, comme la Scientologie. Les pères fondateurs ont rejeté les structures sociales de l’«ancien monde» qui étaient basées sur la religion, l’origine ou encore les charges et les corps de métier, pour créer le concept de société civile, basé sur le refus d’être classé et défini de cette manière. Ce qui fait l’identité américaine, ce n’est pas la culture, mais la participation politique au travers de cette société civile. D’ailleurs, il n’y a pas de ministère de la culture. De ce fait, les américains préfèrent être définis par leurs actions plutôt que par leur origine: « Ne me dis pas d’où tu viens, dis moi ce que tu as fait ». Peu importe la religion, la culture, ce que l’on mange, comment on s’habille… Le contrat social est basé sur les projets et un rêve communs, et l’engagement politique pour les réaliser. Le financement des associations est essentiellement privé, afin de garantir leur indépendance et qu’elles aient un maximum de poids auprès des autorités. Elles vivent essentiellement des dons privés, qui sont en grande partie défiscalisés.
Les citoyens ont donc beaucoup de pouvoir : une association de quartier peut par exemple s’opposer au passage du métro sur son territoire. Mais pour réaliser sa mission, les associations ont besoin de pouvoir convaincre un maximum de personnes, et donc de communiquer. C’est pourquoi le droit de la presse est également une liberté fondamentale et la censure est interdite. Les associations se regroupent le plus souvent en coalitions pour optimiser les moyens et pour peser, notamment sur le processus politique, très différent du nôtre.
Aux Etats-Unis, les partis politiques sont très différents : il n’y pas de carte, pas de cotisation, pas de liste présentée aux élections par un parti… Chaque élection est toujours précédée par une primaire lors de laquelle les candidats demandent le soutien d’un parti (il y en 216, bien que nous ne connaissions que les deux principaux). Chacun se présente librement, de sa propre volonté, sans financement ni programme du parti. Ce sont les coalitions d’associations qui vont apporter leur soutien (collectes de fond, volontaires pour faire campagne) aux candidats qui défendront leur projet. Les critères de choix des électeurs sont la fiabilité, c’est à dire la capacité à faire ce que l’on promet, et le leadership pour créer des partenariats. Le gagnant de la primaire obtient le soutien du parti, et son programme (en fait celui des coalitions qui l’ont soutenu) devient celui du parti qui l’investit. L’expertise n’est donc pas comme en France du côté des «élites» et des élus, mais du côté des citoyens regroupés dans des coalitions.
Pour que le partenariat entre les citoyens et les autorités fonctionne, il y faut un élément clef : la décentralisation. Le gouvernement fédéral n’est pas un gouvernement central : les USA sont un regroupement des états américains, à la base pour se défendre, mais qui conservent la gouvernance. L’entité fédérale a été créée par les Etats fédérés, qui la gère via le Congrès, pour assurer 4 domaines souverains : la défense, la politique monétaire, la politique commerciale et la politique étrangère qui intègre les questions d’immigration. Tout ce qui ne fait pas partie de ces 4 domaines est automatiquement de la responsabilité des Etats fédérés : santé, environnement, sécurité intérieure… Les Etats fédérés sont des états souverains avec des Constitutions et des parlements nationaux : par exemple, il n’y a pas de système pénal central mais 50 codes pénaux différents.
Dans ce système, le président américain a peu de pouvoir. Les gouverneurs sont totalement indépendants. Le président partage le pouvoir avec le congrès : il a 10 jours pour refuser d’exécuter une loi (véto), ce qui permet d’ouvrir une phase de négociation. Il ne fait pas de projet de loi : c’est uniquement le congrès qui développe la législation. Il peut simplement faire des ordres exécutifs, c’est à dire créer des règlements d’application pour les lois qui existent déjà : les pouvoirs législatifs et exécutifs sont donc vraiment séparés, à la différence de la France où 90% des lois sont proposées par le gouvernement. Outre le contrôle de l’exécution de la loi, auquel le congrès ne peut s’opposer que par une nouvelle loi, le président peut initier la politique étrangère : le congrès doit alors voter contre aux deux tiers pour pouvoir s’y opposer. Il est également le chef suprême des armées, même si le congrès doit voter les déclarations de guerre.
Outre l’exécution et la politique étrangère, le président américain a un important pouvoir en matière de « collaboration » des Etats fédérés, afin d’établir des standards minimums pour que l’Union progresse en matière d’éducation, d’environnement… C’est seulement en 1964 qu’un standard minimum a été voté pour refuser la discrimination raciale, ethnique, liée au handicap… L’«Obamacare» était un standard minimum en matière de santé, alors que chaque Etat fédéré a son propre système. Le Congrès a quant à lui le pouvoir budgétaire et peut obliger le président à négocier.

Pour conclure cette journée passionnante, nous avons été reçus par les responsables du « Congressional Black Caucus », que l’on peut traduire par « groupe parlementaire noir », qui rassemble presque tous les sénateurs et représentants noirs. Ils étaient 13 lors de la fondation du Caucus en 1971, et sont aujourd’hui 49, dont 48 sont démocrates. Ils œuvrent sur les questions de droit de vote, duquel certains Etats fédérés tentent de détourner les minorités, sur la justice ou plutôt les injustices pénales, la réinsertion, la protection sociale, l’éducation ou encore la formation des forces de l’ordre.
Très intéressant
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