Le programme d’Alain Juppé pour l’égalité et contre les discriminations s’articule autour de plusieurs objectifs: http://www.juppe2014.fr/mon-projet/ Dans cet article, je développe l’axe n°2 : mettre en place un plan local de lutte contre les discriminations.
C’est quoi une discrimination ?
Selon l’article 225-1 du Code pénal « constitue une discrimi-nation toute distinction opérée entre les personnes physiques à raison de leur origine, de leur sexe, de leur situation de famille, de leur grossesse, de leur apparence physique, de leur patronyme, de leur lieu de résidence, de leur état de santé, de leur handicap, de leurs caractéristiques génétiques, de leurs mœurs, de leur orientation ou identité sexuelle, de leur âge, de leurs opinions politiques, de leurs activités syndicales, de leur appartenance ou de leur non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée. » Les discriminations sont punies de trois ans d’emprisonnement et de 45 000 euros d’amende (article 225-2).
Quelles sont les conséquences des discriminations ?
De nombreux chercheurs, comme le sociologue bordelais François Dubet, ont mis en évidence que les discriminations mettaient en danger notre cohésion sociale en produisant une « assimilation segmentée » : l’assimilation culturelle ne garantit plus l’assimilation économique du fait des discriminations dans l’accès à l’emploi dont sont victimes les personnes issues de l’immigration, qui sont deux fois plus confrontée au chômage que les autres. Elles ont en outre 9 fois moins de chances de trouver un logement. Il en découle parfois un sentiment de colère et d’injustice qui peut conduire à des attitudes extrêmes comme les émeutes dans les banlieues métropolitaines en 2005, dont une des causes identifiées par le Centre d’analyse stratégique (rattaché à Matignon) est « l’ensemble des discriminations subies par les jeunes issus des minorités visibles dans les quartiers ». Cette marginalisation est aussi à mettre en lien avec une montée du radicalisme religieux : « Quant le salut terrestre n’est pas possible, il est sage de se consacrer au salut ultra-mondain et de parfois s’identifier à une communauté de réprouvés égaux entre eux, mais aimés par Dieu parce que réprouvés par les hommes »*. La deuxième conséquence est au niveau de la santé des individus, qui vont réagir aux discriminations par de l’anxiété ou de la dépression : « la discrimination blesse les âmes, paralyse, coupe les jambes, démolit… Le choc de la discrimination provoque des sentiments de honte et d’humiliation »*. Pour illustrer ce phénomène, on peut citer l’Enquête Presse Gay qui a mis en évidence que le taux de tentative de suicide est 6 fois plus élevé chez les homosexuels que dans la population générale : 19% contre 3%.
Que proposons-nous pour lutter contre les discriminations ?
La dissolution de la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l’égalité (HALDE) au sein du Défenseur des droits a malheureusement entrainé une baisse drastique des moyens dévolus à la promotion de l’égalité (budget diminué de 70%). Des pouvoirs ont été perdus, comme celui de transaction pénale, ainsi que la publicité des décisions. Tout ceci aboutit à une baisse de moitié du nombre de plaintes enregistrées. Pour pallier ce désinvestissement de l’Etat, certaines collectivités se mobilisent pour mettre en place un plan local de lutte contre les discriminations, comme le propose Alain Juppé. Il sera élaboré en partenariat avec les acteurs associatifs, les partenaires institutionnels et l’Agence nationale pour la cohésion sociale et l’égalité. A partir du travail réalisé dans le cadre du Comité bordelais de veille et d’action contre les discriminations et pour l’égalité (le Cobade), il est d’ores et déjà possible d’en dresser les premiers contours. Tout d’abord, les discriminations dans l’accès à l’emploi sont une priorité : elles concernent 90% des plaintes au Défenseur des droits à Bordeaux. Les acteurs souhaitent aller plus loin que la Charte de la diversité, qui reste une déclaration de bonne intention. Par exemple, des formations pourraient être proposées aux managers et aux responsables des ressources humaines des entreprises grâce à des partenariats avec les syndicats patronaux et la CCI. Une sensibilisation à des nouvelles méthodes de recrutement pourrait être proposée : mise en situation professionnelle plutôt que le CV anonyme qui montre ses limites. La question du logement est aussi sensible et de la même manière, une sensibilisation des agences immobilières sera un des axes à développer. Le développement des bonnes pratiques dans les services publics est également un objectif prioritaire. Des formations ont déjà été réalisées au sein de la Mairie de Bordeaux (service RH, police municipale…) et il est proposé d’aller plus loin en formant tous les agents municipaux à la lutte contre les discriminations, dans le cadre d’un partenariat avec le Centre national de la fonction publique territoriale. Les outils de communication de la Ville seront mis à contribution pour relayer les actions de lutte contre les discriminations et de promotion de l’égalité (page dédiée sur bordeaux.fr, blog en lien avec le site de la Ville, infolettre). Enfin, lutter contre les discriminations passe par un travail sur les préjugés. C’est pourquoi Alain Juppé souhaite l’organisation d’un temps fort de promotion de la diversité interculturelle, où seraient mis en valeur les traditions et la culture des bordelais venus d’autres pays.
*Fr. Dubet, Pourquoi moi ? L’expérience des discriminations. Ed. Seuil. 2013